|
|
Introduction
Ou comment les ennemis de la FM ont servi sa cause
|
La
plus ancienne description en langue française d'une initiation maçonnique
fut imprimée à Paris par le lieutenant de police René
Hérault en décembre 1737 sous le titre Réception d'un
Frey-Maçon [retranscrite ci-après]. Il en aurait obtenu communication
par une actrice de l'Opéra, Mlle Carton, dont la correspondance des
Maçons français de l'époque assure qu’elle l'avait extorqué
d'un Anglais en échange de ses charmes. La première divulgation
française, Le Secret des Francs-Maçons, est publiée
à Paris en février 1744 (et non à Genève en 1742)
par l'abbé Pérau qui devait être initié quelques
jours plus tard. Elle est suivie la même année par le Catéchisme
des Francs-Maçons et l'année suivante par Le Franc-Maçon
Trahi (qui reproduit à l'identique, dans sa première partie,
le texte du Secret) et Le Sceau Rompu. D’autres divulgations suivront jusqu’en
1749.
|
Mai 2003, AB
|
1737: René Hérault
Un fonctionnaire de police très appliqué
|
RECEPTION
D’UN
FREY=MAÇON
IL
faut d'abord être proposé à la Loge comme un bon Sujet,
par un des Freres, sur sa réponse, l'on est admis à se presenter,
le Récipiendaire est conduit par le Proposant, qui devient son Parain,
dans une des Chambres de la Loge, où il n'y a pas de lumiere, &
où on lui demande s'il à la vocation d'être reçu,
il répond qu'oüi, ensuite, on lui demande son nom, surnom, &
qualité, on le dépoüille de tous les Métaux &
Joyaux qu'il peut avoir sur lui, comme Boucles, Boutons, Bagues, Boêtes,
&c. On lui découvre à nud le genoüil droit, on lui
fait mettre son Soulier gauche en Pantoufle, on lui bande les yeux, &
on le garde en cet état pendant environ une heure livré à
ses reflexions, après quoi le Parain va frapper trois fois à
la porte de la Chambre de Reception, où est le Vénérable
Grand-Maître de la Loge, qui répond du dedans par trois autres
coups, & fait ouvrir la Porte. Alors le Parain dit qu'il se présente
un Gentilhomme, nommé tel, qui demande à être reçû
: (Nota, qu'il y a en dehors & en dedans de cette Chambre, des Freres
surveillans, l'Epée nue à la main, pour en écarter les
profanes.)
Le Grand-Maître qui a un cordon bleu taillé en triangle, au
col, dit, demandés-lui s'il à la vocation, ce que le Parain
va éxecuter, le Recipiendaire ayant répondu qu'oüi, le
Grand-Maître ordonne de le faire entrer, alors il est introduit, &
on lui fait faire trois tours dans la Chambre, au tour d'un espace d'écrit
sur le Plancher, oú l'on a crayonné une espèce de réprésentation,
sur deux colomnes des débris du Temple de Salomon ; aux deux côtez
de cette espace on a aussi figuré avec le crayon un grand J. &
un grand B. dont on ne donne l'explication qu'après la Réception
; & dans le milieu il y à trois Flambeaux allumés posés
en triangle, sur lesquels on jette à l'arrivée du Novice, où
de la Poudre, où de la Poix-raisine, pour l'effrayer, par l'effet
que cela produit : Les trois tours faits le Recipiendaire est amené
au milieu de l'espace d'écrit, comme il est marqué ci-dessus,
en trois temps, vis-à-vis le Grand- Maître, qui est au bout
d'enhaut, derriere un Fauteuille, sur le quel on à mis le Livre de
l'Evangile, selon Saint Jean ; Il lui demande, vous sentés-vous la
vocation ; sur sa réponse, que oüy, le Grand-Maître dit,
faites lui voir le jour, il y a assez long-tems qu'il en est privé
; dans cet instant on lui débande les yeux, tous les Freres assemblés
en cercle mettent l'Epée à la main, on fait avancer le Recipiendaire
en trois temps jusqu'à un Tabouret, qui est au pied du Fauteuil ;
le Frere Orateur lui dit, vous allez embrasser un Ordre respectable, qui
est plus sérieux que vous ne pensez ; Il n'y a rien contre la Loy,
contre la Religion, contre le Roy, ni contre les Mœurs, le Vénérable
Grand-Maître vous dira le reste ; en même temps, on le fait agenoüîller
du genoüil droit, qui est découvert, sur le Tabouret, & tenir
le pied gauche levé en l'air, le Grand-Maître lui dit alors,
vous promettez de ne jamais tracer, écrire, ni reveler les secrets
des Frey-Maçons, & de la Frey-Maçonnerie, qu'a un Frere
en Loge, & en présence du Vénérable Grand-Maître,
ensuite on lui découvre la gorge, pour voir s'il n'est point du sexe,
& on lui met sur la mamelle gauche un compas, qu'il tient lui-même,
il pose la main droite sur l'Evangile, & prononce ainsi son serment ;
Je permets que ma langue soit arraché, mon cœur déchiré,
mon corps brûlé & réduit en cendre, pour être
jettée au vent, afin qu'il n'en soit plus parlé parmi les hommes
; Dieu soit en aide. Après quoi on lui fait baiser l'Evangile ; Le
Grand-Maître alors le fait passer a côté de lui, on lui
donne le Tablier de Frey-Maçon, qui est d'une Peau blanche, une paire
de Gands d'hommes pour lui, & une autre de Gands de femme pour celle
qu'il estime le plus, & on lui donne l'explication de l'J. et du B. écrits
dans le cercle, qui sont le symbole de leur signes pour se reconnoître,
l'J. Signifie Jakhin, & le B. Boaier, * qui sont deux mots Anglois, qu'il
représenten dans leurs signes entr'eux, en portant la main droite
à la gauche du menton, & la retirant sur la même ligne du
côté droit, & frappent ensuite sur la basque de l'habit,
aussidu côté droit, après quoi on se tend la main, en
posant le pouce droit sur la premiere & grosse jointure de l'index de
la main de son camarade, en prononçant le mot de Jakhin, après
quoi on se frappe l'un & l'autre de la main droite sur la poitrine, puis
on se reprend la main, en se touchant reciproquement du pouce droit sur la
grosse jointure du doigt medicus, en prononçant le mot de Boaies,
ou de Boesse ; cette cérémonie faite, & cette explication
donnée, le Récipiendaire est nommé Frere, & on se
met à Table, où l'on boit, avec la permission du Vénérable
Grand-Maître, à la santé du nouveau Frere ; chacun a
sa Bouteille devant soi, quand on veut boire, on dit, donnée de la
Poudre, chacun se leve, le Grand-Maître dit, chargez, on met la Poudre,
qui est le Vin dans le verre ; le Grand Maître dit, mettés la
main sur vos armes, & on boit à la santé du Frere, en portant
le verre à la bouche en trois temps ; après quoi, & avant
de remettre son verre sur la Table, on le porte sur la mamelle gauche, puis
sur la droite, & ensuite en avant, le tout par trois fois, & en trois
autres temps, on le remet perpendiculairement sur la Table, on se frappe
dans les mains par trois fois, & on crie par trois fois chacun Vivat.
On observe d'avoir sur la Table trois Flambeaux en triangle. Si par hazard
on appercevoit ou soupçonnoit que quelqu'un de suspect se fut introduit,
on le declare en disant, il Pleut, ce qui signifie qu'il ne faut rien dire.
Comme il pourroit arriver que quelque profane eut découvert les signes
qui dénotent les termes de Jackhin & de Boaies, pour éviter
toute surprise, on dit en se prenant la main comme il est marqué ci-devant
J. à quoi l'autre doit répondre A. le premier K. le second
replique H. l'autre J & le dernier N. ce qui compose le mot de Jakhin
Il est de même de celui de Boaies, en prononçant alternativement
& successivement toutes les lettres de ce mot, & c'est là
le vrai coin auquel se reconnoissent les vrais Freres.
* Ce mot ce prononce, s'il étoit écrit Boësse, le nom de Monsieur Haisse, Anglois, s'écrit Hayes.
|
1737, RH
|
|
|